Jean Perdijon (Grenoble)
Je consens à être étonné ; je ne demande pas mieux que d'être étonné et je crois volontiers ce qui m'étonne le plus, mais je ne veux pas que l'on se moque de ma crédulité, parce que ma vanité entre alors en jeu dans mon impression et que notre vanité est, entre nous, le plus sévère des critiques.
Charles Nodier (La fée aux miettes)
Les tests EPR sont de plus en plus perfectionnés et pratiquement tous concordants ; il devient très difficile d'incriminer le fait que les détecteurs ne sont pas absolument parfaits. Mais accepter la non-localité reviendrait à rejeter l'un des axiomes de la théorie de la relativité. On comprend donc que quelques réfractaires s'interrogent encore sur la validité du théorème de Bell.
Soient PrA(a), PrB(b) et PrC(a, b) les probabilités de détection, respectivement pour chacun des deux photons et pour chaque paire, compte tenu des orientations a et b de chacun des polariseurs qui peuvent varier séparément de 0 à 180°. Pour un appareil parfait, la mécanique quantique montre que l'on doit avoir PrC(a, b) = 1/4 + (1/4) cos2(a - b). Si on suppose que ces probabilités dépendent également d'une certaine variable cachée µ qui définit l'état de la paire au moment de son émission, la condition d'indépendance entre les deux détecteurs s'écrit PrC(µ, a, b) = PrA(µ, a) x PrB(µ, b). Pour un appareil parfait et des photons seulement corrélés en direction de propagation, on en tire PrC(a, b) = 1/4 ; si on suppose qu'ils sont en plus corrélés en polarisation et qu'on prend pour variable µ l'angle entre l'axe de référence choisi pour définir a et b et la direction de polarisation commune aux deux photons, on a PrC(a, b) = 1/4 + (1/8) cos2(a - b), qui est encore en contradiction avec la prévision quantique. Cependant cette relation ne tient pas compte du fait que la probabilité de coïncidence n'est pas égale au produit de deux probabilités indépendantes, mais à celui de la probabilité pour que le premier photon soit compté par la probabilité pour que le second le soit, sachant que le premier l'a été. La probabilité pour que les deux photons soient comptés en même temps en C est alors PrC(µ, a, b) = PrA(µ, a) x PrB:A(µ, a, b). Si le premier photon a été compté en A, il n'y a aucune raison pour que le second ne le soit pas aussi en B, à moins qu'il ne soit arrêté par le polariseur de droite ; sa probabilité de comptage est donc la même que celle pour que le premier photon fût encore compté si le polariseur de droite était placé après celui de gauche et la loi de Malus donne PrB:A(µ, a, b) = cos²(a - b), qui ne dépend pas de µ. Une intégration pour µ variant de 0 à 180° donne enfin PrC(a, b) = (1/2) cos²(a - b), qui est identique au résultat de la mécanique quantique.
La double corrélation en directions (propagation et polarisation) des deux photons conduit de façon classique au même taux de coïncidence que la mécanique quantique, si on tient compte des connexions qui existent entre les deux photomultiplicateurs, situés en A et B, et le compteur des coïncidences ; celui-ci est situé en C et c'est tout à fait localement qu'il reçoit les informations en provenance de A puis B. La quasi-unanimité des physiciens pour abandonner un principe à la base de la relativité a quelque chose de suspect ; elle a fait le bonheur de nombreux auteurs prompts à vouloir réenchanter la physique.
Référence : J. Perdijon, "Le quantique : un paradoxe de la relativité ?", Désiris, 2014.